Revue Internationale des Sciences de l’Organisation
Invitation à soumettre des manuscrits
Rédacteur en chef invité :
Christophe Assens
Professeur à l’Université de Versailles à Saint-Quentin-en-Yvelines
Directeur adjoint du laboratoire de recherche LAREQUOI
En juin 2019, un numéro thématique de la revue RISO sera consacré à la publication d'articles portant sur la problématique du « management en réseau : du pouvoir vertical aux collaborations horizontales ». Les chercheurs et les spécialistes qui entretiennent un intérêt pour cette thématique sont invités à soumettre leur texte pour le 15 octobre 2018.
Notre époque est confrontée à deux bouleversements majeurs : la transition énergétique qui oblige à revoir les modes de production et de consommation d’énergie dans la croissance économique pour atteindre un développement durable ; la transformation digitale qui invite à réviser les modèles d’affaires dans les entreprises en raison de la dématérialisation du savoir et de la désintermédiation des circuits de distribution entre le producteur et le consommateur. Face aux bouleversements digitaux et écologiques, il convient pour les entreprises d’être plus réactives face aux évolutions commerciales, réglementaires et face aux ruptures technologiques.
Or, cette réactivité n’est pas garantie, car l’entreprise vit traditionnellement au rythme d’une chaîne de décision verticale, par commande-contrôle, qui comporte de nombreuses strates hiérarchiques, elles-mêmes encadrées par une multitude de règles bureaucratiques, souvent redondantes et parfois contradictoires ! Cette chaîne de décision verticale comporte alors de nombreux inconvénients. Elle tend à renforcer les conflits de pouvoir entre les collaborateurs focalisés sur la perte ou le gain de responsabilité. Pour atténuer les conflits de pouvoir, le management tend à remplacer l’homme par la machine et la concertation par des procédures. Dans ce contexte, la marge de manœuvre des décideurs se réduit considérablement, d’une part avec la montée en puissance de la robotisation par l’intelligence artificielle dans les fonctions support, et d’autre part avec la formalisation des procédures dans les fonctions productives pour réduire les risques QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement) face aux attentes des parties prenantes, actionnaires en tête.
A contrario, l’entreprise fait face à des injonctions contradictoires qui nécessitent de mettre en place des organisations plus souples et réactives avec des collaborateurs plus autonomes. Il s’agit en effet de réduire les coûts sans détruire la planète, d’augmenter la productivité sans diminuer la qualité, d’avoir un ancrage local tout en rayonnant au niveau global. Pour répondre à ces nouveaux défis, certaines entreprises considèrent qu’il est nécessaire d’organiser le travail différemment et de renverser le modèle de la pyramide hiérarchique pour le remplacer par un management en réseau.
Ainsi, un courant de mode managérial inspiré par les travaux précurseurs de Desroche (1976) et Olivetti (1952) et repris par ceux de Getz, Carney (2009) ainsi que Nayar (2010), tend par exemple à mettre l’accent sur des formes d’entreprises libérées, dans lesquelles la pyramide hiérarchique serait inversée conférant le pouvoir de décision stratégique aux opérationnels. Néanmoins, ce courant de pensée n’est pas à l’abri de critiques (Verrier et Bourgeois, 2016). Dépassant l’ancienne typologie de Mintzberg fondée sur l’adhocratie avec la participation entre égaux à la décision, certains chercheurs orientent même la réflexion vers l’holacratie où la décision serait adoptée sans chef, dans des équipes auto-gérées. Cette conception managériale repose sur l’idée que l’entreprise deviendra plus performante à partir du moment où le management s’appuiera sur l’intelligence collaborative et donc sur l’implication des collaborateurs, pour les amener à « participer à la vie de l’entreprise», quel que soit leur niveau de responsabilité, opérationnel ou fonctionnel. De ce point de vue, il s’agit de libérer les ressources humaines, du carcan traditionnel des mécanismes de contrôle vertical par les outils, par les procédures, par les normes, par l’arbitraire hiérarchique, en accordant davantage de place à la collaboration horizontale pour co-déterminer les décisions et pour les co-réaliser dans une logique de club. Est-ce que cette révolution managériale relève d’une douce utopie ? Est-ce la fin du modèle traditionnel de management fondé sur les outils de contrôle et sur la hiérarchie ? Est-il possible de combiner l’ancien modèle pyramidal de décision avec les nouvelles méthodes de travail coopératif, avec son cortège de résistance au changement, de heurts et de rivalités ? Quels sont les avantages et les inconvénients d’un management en réseau fondé sur la confiance, pour la performance de l’entreprise et pas uniquement pour le bien-être au travail ?
Au delà des enjeux de pure gestion économique, nous assistons à une profonde transformation de notre société, où les réseaux tendent à rivaliser avec les institutions dans tous les domaines de la vie collective : dans le domaine politique avec la démocratie directe dans une forme « d’agora numérique » qui tend à désacraliser la parole publique des élus (Assens 2015) ; dans la socialisation où la famille et l’école n’ont plus le monopole de l’éducation ; dans le domaine marchand où les entreprises doivent composer avec la dématérialisation de l’économie fondée sur l’usage plus que sur la propriété des biens et services, par l’intermédiaire des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), nouveaux gardiens de la confiance entre des millions d’anonymes selon Assens, Ensminger (2015) ! Cette réflexion sur les modes de management en réseau, est un enjeu de premier plan, que ce soit pour les grandes entreprises recherchant flexibilité et transparence dans l'intelligence collaborative, que ce soit pour les PME à la recherche des effets de taille par la collaboration et non par la capitalisation, que ce soit pour la société en général, en quête de sens, en raison de la crise de légitimité des institutions traditionnelles : l'Etat, le marché, les corps intermédiaires…
Cette mutation de la société offre ainsi aux entreprises la possibilité de contrôler l’incertitude de l’environnement, en collaborant en réseau avec les citoyens sur les questions RSE (responsabilité sociale de l’entreprise), avec les clients sur le renouvellement des produits, avec les concurrents dans le cadre de la coo-pétition pour réguler l’intensité concurrentielle du secteur d’activité, avec les fournisseurs pour innover ou imposer un nouveau standard technologique sur le marché. En effet, la compétition change d’échelle, et il convient pour les entreprises de co-construire leur avenir dans des écosystèmes d’affaires. Il s’agit de cultiver une rente relationnelle avec des partenaires fidèles et loyaux, en mettant en œuvre une réflexion sur la gouvernance partenariale. Les enjeux stratégiques changent alors de nature et ne relèvent plus du bien privé individuel, mais de la gestion du bien commun, à l’échelle des frontières de connivence du réseau, sur un territoire ou à distance.
Mais l’économie de marché n’est pas la seule concernée par ce phénomène d’émergence et de construction des réseaux. Dans le domaine du management public, des exemples foisonnent, sur la nécessité de regrouper des établissements publics, des collectivités locales ou des États Nations soit pour mutualiser les coûts, soit pour mieux collaborer avec le secteur privé, dans l’intérêt général.
Soucieuse de faire progresser les connaissances théoriques et pratiques, la revue RISOconsacrera en 2019 un numéro thématique sur ce thème des réseaux. Les travaux originaux, s'inscrivant dans une perspective managériale, apportant un éclairage empirique ou théorique nouveau sur le management en réseau, ses mécanismes de fonctionnement, ses enjeux stratégiques et ses limites, seront privilégiés. Ces travaux devront s’appuyer sur des terrains d’observation en Afrique et développer sur cette base des analyses critiques des cadres théoriques retenus. De façon non exclusive, ces travaux pourront s'articuler autour des thèmes suivants :
· La combinaison de la hiérarchie et des réseaux
· La gouvernance des réseaux
· L’économie collaborative dans le domaine digital
· Les communautés professionnelles et la gestion du savoir
· Les écosystèmes d’affaires au niveau territorial ou extra territorial
· Les réseaux et la transition énergétique
· Les mécanismes de régulation d’un réseau
· Les formes de pouvoir vertical et horizontal
· Les chaînes logistiques et les modes de distribution en réseau
· La logique de réseau en management public : local, régional ou international
· Les partenariats publics-privés
· Le dogme de la transparence dans le fonctionnement en réseau
Les manuscrits devront être soumis pour le 15 octobre 2018 pour une publication prévue en décembre 2018. Les manuscrits doivent être envoyés par courrier électronique à l’adresse suivante : hadj@hotmail.com. La politique éditoriale de RISO doit être respectée dans les documents soumis. Les manuscrits retenus pour une éventuelle publication seront évalués par les pairs selon la règle de l’anonymat double.
Quelques références
Assens C (dir). (2015), Les réseaux de service public : menace ou opportunité pour l’action publique ?,Collection profession cadre service public, Presses de l’EHESP.
Assens C, Ensminger J. (2015),Une typologie des systèmes d’affaires : de la confiance territoriale aux plateformes sur Internet, Vie & Sciences Economiques, n°200, 77-98.
Assens C, Courie A.(2014), Les enjeux de gouvernance : de la firme au réseau, Business Management Review, vol 4, n°2, avril-mai-juin, 22-31.
Assens C. (2013),Le management des réseaux : tisser du lien social pour le bien-être économique , Editions de Boeck.
Bouchez J.-P (2016),A historical perspective on the dynamics of knowledge creation and application,Estrategias,Vol.14 Issue 24(2016 – I).
Bouchez J.-P. (2015),“Vers l’émergence progressive d’un nouveau cycle managérial hybride ? le cas des communautés de pratique ‘pilotées’ », Gérer & Comprendre,septembre, n° 121, pp. 51-56.
Burt R. (1992),Structural Holes, The Social Structure of Competition, Harvard University Press, Cambridge.
Burt R. (2005),Brokerage and Closure. An introduction to social capital. Oxford University Press, Oxford.
Coleman J. (1988),Social capital in the creation of human capital, American Journal of Sociology, n° 94, pp. 95-120.
Desroche H. (1976),Le Projet coopératif. Son utopie et sa pratique, ses appareils et ses réseaux, ses espérances et ses déconvenues, Paris, Editions Economie et Humanisme, les Editions Ouvrières.
Getz I, Carney B.,(2009),Liberté et Cie, quand la liberté des salariés fait le succès des entreprises, édition Flammarion
Granovetter, M. S.(1973), The Strength of the Week Ties”, American Journal of Sociology,Vol. 78, Issue 6, pp. 1360-1380
Hamel, G., (2011),First, let’s fire all the managers, Harvard Business Review.
Kegan, R.. etal., (2014), Making Business Personal, Harvard Business Review.
Lallement M. (2006),Capital social et théories sociologiques, in Bevort A. et Lallement M. (dir.), Le capital social. Performance, équité et réciprocité, La découverte MAUSS, Paris.
Nayar V(2010), Employees First, Customers Second : Turning Conventional Management Upside Down, Harvard Business Press.
Olivetti A.(1952), Società Stato Comunità, Milan, Edizioni di Comunità.
Verrier G. etBourgeois N. (2016),Faut-il libérer l’entreprise ? Confiance, responsabilité et autonomie au travail, Dunod, Paris.
À l'automne de l'année 2008, un numéro thématique de la revue Management international sera consacré à la publication d'articles portant sur la problématique des réseaux d’entreprises, dans une perspective managériale. Les chercheurs et les spécialistes qui entretiennent un intérêt pour cette thématique sont invités à soumettre leur texte pour le 15 janvier 2008.
Durant la majeure partie du vingtième siècle, la tragédie grecque aurait encore pu servir de cadre de référence pour appréhender l’organisation des entreprises. À cette période, la course à la taille critique ou aux gains de productivité, imposait en effet à l’entreprise de respecter les trois principes d’une pièce de théâtre antique : l’unité de lieu dans la répartition des tâches pour économiser les coûts logistiques, l’unité de temps dans la coordination de ces tâches pour économiser les frais de structure, et l’unité d’action avec un commandement centralisé des tâches, pour éviter les conflits.
Aujourd’hui, la vie des affaires est devenue plus floue, en apparence moins prévisible et moins rationnelle. L’organisation d’une entreprise obéit, au même moment, à des impératifs souvent contradictoires : standardisation vs adaptation ; effets de taille vs flexibilité ; réactivité vs anticipation. Concilier ces contradictions nécessite alors de dépasser les schémas traditionnels évoqués précédemment, en nouant des coopérations au-delà des frontières de propriété ou d’autorité, sur plusieurs territoires à la fois, avec des transactions décalées dans la durée, avec une décentralisation des décisions. Lorsqu’elles fonctionnent harmonieusement, ces coopérations permettent de valoriser les complémentarités entre des entreprises confrontées aux mêmes enjeux stratégiques et aux mêmes contraintes structurelles.
Elles sont inspirées par la recherche d’avantages compétitifs, par le partage croisé d’effets d’expérience, de ressources ou de compétences. Elles peuvent aussi résulter de manœuvres plus complexes, ayant pour objet par exemple de dresser des barrières à l’entrée d’un secteur, ou visant à opposer une contre alliance face à une coalition menaçante de concurrents. Cette logique relationnelle est omniprésente dans la vie des affaires, même s’il est parfois difficile de l’appréhender avec les outils classiques de l’analyse managériale. Pour preuve, les investisseurs institutionnels et les agences de notation continuent d’évaluer les entreprises, en fonction de leur patrimoine ou de la valeur des actifs possédés, plutôt que de prendre en considération le « capital relationnel », à travers l’intensité et la solidité des liens de connivence. Pourtant, les relations nouées dans le cadre des partenariats ont de la valeur, au même titre qu’un brevet technologique ou la notoriété d’une marque, car elles permettent de s’affranchir des coûts de transaction sous certaines conditions, et d’échapper pour partie à la dépendance des ressources.
Dans beaucoup de secteurs d’activités, la compétition entre firmes tend ainsi à se déplacer au niveau supérieur, dans l’opposition que se livrent des coalitions d’entreprises. Mais l’économie de marché n’est pas la seule concernée par ce phénomène. Dans le domaine du management public, des exemples foisonnent, sur la nécessité de regrouper des administrations, des collectivités locales ou des États Nations soit pour mieux défendre l’intérêt général en cherchant à réaliser une économie de moyens, soit pour mieux lutter dans la compétition géopolitique, en opposant le multilatéralisme à l’unilatéralisme.
L’un des champs de recherche les plus prometteurs dans ce domaine, pour mieux comprendre les phénomènes de regroupement d’entreprises ou d’administrations, porte sur la notion de réseau. En effet, lorsque la coopération devient durable et réciproque, au point de fidéliser les partenaires dans un jeu consensuel fondé sur la confiance, une organisation en réseau se construit. Cette organisation présente quelques spécificités. Elle ne peut pas être confondue ni avec un marché, ni avec une hiérarchie pour reprendre la classification de Williamson (1983), dans la mesure où les membres du réseau sont simultanément autonomes et interdépendants, engagés dans une relation qui diffère à la fois de l’externalisation et de l’intégration. Même si l’existence des réseaux apparaît alors comme une évidence, il est particulièrement difficile de comprendre comment cette «organisation d’organisations» parvient à fonctionner, sans frontières préétablies, sans pilote désigné, sans moyens de contrôle traditionnels. Ainsi, dans un réseau, la difficulté d’atteindre des gains mutuels pour les partenaires demeure, en raison des incertitudes liées notamment, au risque d’opportunisme, à l’asymétrie d’information, et, à la délégation réciproque du pouvoir de contrôle des membres.
En effet, à l’image d’un système ouvert, le réseau se nourrit des échanges avec l’extérieur qui le pousse à étendre sa sphère d’influence en repoussant sans cesse ses propres limites. Mais plus le réseau s’étend et moins il devient facile de le piloter, en raison du nombre croissant d’éléments en interaction. À l’inverse, si le réseau cesse de se développer, le maillage perd de ses propriétés plastiques avec l’apparition d’une rigidité autour des positions stratégiques acquises, provoquant une influence exagérée de certains membres dans le jeu relationnel. Nous pouvons exposer le même problème sous l’angle de la gouvernance et de la régulation des relations. Ainsi, dans un réseau, renforcer l’autonomie des membres sans se soucier des mécanismes de contrôle collectif, introduit de la créativité, des initiatives et l’implication des partenaires potentiels. Mais cette autonomie peut provoquer en retour des conflits d’intérêts individuels et générer à terme des désordres collectifs. Dans une logique inverse, renforcer le contrôle au détriment de l’autonomie, présente alors l’avantage d’améliorer la coordination et la cohésion entre les partenaires. Mais, cette régulation limite les capacités d’adaptation flexible au niveau individuel. Le problème de la régulation des relations au sein d’un réseau est donc extrêmement complexe, à partir du moment où le processus décisionnel demeure fragmenté, avec un découpage évolutif de la chaîne des responsabilités. C’est la raison pour laquelle, le fonctionnement d’un réseau demeure bien souvent une énigme, y compris pour ceux qui en font partie.
Soucieuse de faire progresser les connaissances théoriques et pratiques, Management International consacrera en 2008 un numéro thématique sur le thème des réseaux. Les travaux originaux, s'inscrivant dans une perspective managériale internationale, interdisciplinaire et apportant un éclairage empirique ou théorique nouveau sur les réseaux, ses mécanismes de fonctionnement, ses enjeux stratégiques et ses limites organisationnelles, seront privilégiés. Ces travaux devront tenir compte de l'abondante littérature sur ce thème. Il ne s'agit pas de présenter les réseaux nécessairement comme un concept nouveau, mais d'apporter une contribution qui s’appuie sur la littérature existante, en continuité, ou en
rupture, par rapport aux pistes de recherche déjà explorées par des auteurs comme Powell (1990), Thorelli (1986), Gulati (1998), ou Jarillo (1988). De façon non exclusive, ces travaux pourront s'articuler autour des thèmes suivants :
• Les réseaux en management public (ex : réseaux intégrés de services)
• L’émergence et le cycle de vie d’un réseau
• Régions innovantes et réseaux territoriaux (ex : projet PAXIS, communauté européenne) • Réseaux d'innovation et développement des PME
• Réseaux virtuels et chaînes logistiques intégrées
• Les réseaux et la théorie des parties prenantes
• Les réseaux apprenants dans le cadre des communautés de pratique
• La préférence communautaire au sein d’un réseau
• La dynamique d’interconnexion ou d’opposition entre plusieurs réseaux
Revue HEC Montreal
revue francophone de sciences de gestion publiée en trois langues : français, anglais et espagnol